Un Château en Gévaudan Tome 5
Extraits

 ‘Le marchand d’espérance’

            Ce jour-là, comme chaque jour après son dîner, Pierre-Olric de Montalcy s’était fait servir son café au salon. Et comme chaque jour, pendant qu’il le dégustait, il en profitait pour lire le journal. […]

            Bien sûr, depuis quelques temps, la presse se faisait régulièrement l’écho des rodomontades musclées des chefs de guerre de différents pays, comme de leurs inquiétants bruits de bottes et de leurs menaçants roulements de tambour de plus en plus assourdissants. Mais tant que nul Etat n’était encore passé à l’offensive, on pouvait toujours espérer que ces gesticulations ne relevaient que de la simple démonstration de force juste destinée à impressionner l’ennemi potentiel dans l’espoir de le dissuader d’attaquer. 

            « Si vis pacem, para bellum« , « Si tu veux la paix, prépare la guerre » clamaient déjà haut et fort les Romains qui, indéniablement, en matière de guerre, en connaissaient un bon rayon ! Et même un sacré bon rayon ! Or, depuis la lointaine Antiquité, force était de constater que cet adage n’avait rien perdu de sa pertinence. Alors, vraiment pas de quoi inquiéter l’homme sage qu’entendait être le comte Pierre-Olric de Montalcy ! 

            En revanche, quand il découvrit, à la lecture de sa gazette préférée, que l’Empereur des Français venait de lever une troupe de quatre-vingt-mille hommes qu’il conduisait droit vers l’Est, il se dit que ce n’était certainement pas pour leur faire visiter du pays ni pour leur offrir quelque revigorante promenade de santé dans les montagnes du Tyrol ou le long du Danube. 

            Le comte frémit alors à la pensée que son aîné Guillaume-Olric et son gendre Piotr devraient bientôt partir à la guerre, si toutefois, pour le premier, ce n’était déjà fait ! Et ce, avec tous les risques qui en découlaient.  

            « Ah, la guerre ! Encore la guerre ! Quelle saleté, la guerre ! 

            « Seigneur Dieu, pourquoi donc faut-il que des hommes ressentent ainsi la détestable envie d’envoyer leurs semblables à la mort à seule fin d’affirmer leur supériorité personnelle ou celle de leurs idées ? Comme si le monde ne pouvait durablement vivre en paix !

            « Quand donc se lèvera-t-il cet homme providentiel capable de déclarer enfin la guerre à la guerre ? »