Pierre Debrade
SOLEA
Scarbo Jazz
Depuis quelque temps Scarbo hante les musiciens de la nuit.
Jamais il n’a perdu le pouvoir de s’affranchir des murailles.
Il a un compte à régler avec ses deux créateurs. Réconcilier
deux écritures, là où elles se sont à peine aventurées ; une
rédemption diabolique. Ondine et le Pendu ignorent tout
de ses intentions.
Scarbo et ses deux acolytes glissent, invisibles le long des
façades obscures à travers la ville aux reflets multicolores que
la pluie inspirée essaime sur les pierres.
Voilà la cible : “La Crypte”, une cave de Jazz prisée des amateurs
est bondée. Ce soir, il règne sous les voûtes médiévales
une atmosphère tendue, une attente, de celles qui font naître
des soirées improbables.
Le quintette s’installe sur le podium, avec la nonchalance
des baladins qui vont se faire plaisir ; jouer, s’éclater, et tenter
d’entraîner les noctambules accros, qui attendent sans impatience
la musique qui va les plonger au fond d’eux-mêmes.
Batterie, basse, guitare, saxo et clarinette, trompette et bugle,
claviers, violon parfois… Ils sont fiers de leurs compositions,
jaillies à bout de souffle, dans un vertigo moite au bout de
la nuit, quand l’aube subjuguée n’ose apparaître de peur
d’arrêter la musique agitant l’obscurité comme une marée
montante. Ils fignolent ces compositions, dans un désordre
fécond. Ils veulent créer un envoûtement par la maîtrise de
leur inspiration.